Notre histoire

Les petits chanteurs de saint Laurent

Comment résumer en quelques mots une histoire de plus de 60 ans ? Une histoire pleine de chants et de motets merveilleux, de voyages en France et dans des pays toujours différents, de tournées de concerts mémorables, d’applaudissements sous les ors des salles prestigieuses comme Gaveau et Pleyel, de rassemblements à Rome ou ailleurs de milliers de voix de Petits Chanteurs pour les congrès des « Pueri Cantores », d’enregistrements de disques et de tournages de films, de rencontres plus enrichissantes les unes que les autres et surtout une histoire empreinte de foi et d’une amitié fraternelle sans équivalent….  

Cette histoire est d’abord l’œuvre de son initiateur : l’abbé Paul Zurfluh, qui fonda, en 1944, la Manécanterie des Petits Chanteurs de « Saint-Laurent », Paroisse du 10e Arrondissement de Paris, à côté de la Gare de l’Est.
Ce musicien né, avait déjà créé une première chorale, Notre Dame de l’Espérance, à Villemomble où il avait été prêtre avant sa nomination comme vicaire à Saint-Laurent. Arrivé en ce monde le 4 novembre 1910, il le quitta le 14 juillet 1990, à Paris, après une vie totalement consacrée à son sacerdoce, à la musique et à sa chère « Mané ».  

Mais laissons d’abord la parole à l’un des premiers anciens Petits Chanteurs, Bernard Lesellier, qui avait rejoint la Manécanterie dès sa fondation et qui se souvient des débuts….

« La libération de notre pays n’allait pas tarder à arriver. Les troupes allemandes occupaient Paris. Cela n’empêchait pas les mouvements de jeunesse de se montrer : « Cœurs Vaillants », avec Mr l’abbé Crépin et…l’histoire de la « Mané » va surgir.

La Mané : mot magique ! Combien de gars sont tombés dans le chaudron de cette potion magique concoctée par l’abbé Zurfluh ! « L’abbé »…Quel entraîneur ! Quelle force de persuasion ! Je suis arrivé à Paris en 1942 et j’habitais avec maman rue « Pierre Dupont », dans le quartier « Eugène Varlin – rue du Terrage ». Ma mère m’avait inscrit à l’école privée, dirigée par un Directeur à poigne : Monsieur Best.

Cette école se situait au 20 rue du Terrage (adresse aujourd’hui malheureusement disparue à la suite d’une restructuration du quartier). Elle deviendra pendant des décennies le lieu des répétitions de la Mané. 

Notre Paroisse Saint-Laurent était sous l’autorité d’un curé, le Chanoine Serpette. Il accueillit un jeune prêtre venant de Villemomble, Paul Zurfluh, qui servit comme vicaire chargé des enterrements. Celui-ci vint habiter dans le grand immeuble de l’école privée avec sa Maman(Lucie) et ses deux sœurs aînées (Eugénie et Emilienne).

Un samedi après-midi, il vint nous voir dans la classe et demanda à M. Best s’il lui serait possible de recruter quelques élèves afin de créer un chœur d’enfants. C’est là que des « volontaires désignés d’office » furent choisis !!! Au cours de catéchisme il y eut aussi des volontaires, mais ceux-là de leur plein gré. Et voilà le groupe qui allait démarrer.

De Villemomble, l’Abbé avait conservé d’excellents contacts : des aînés, Paul Chassaint, André Ognier, Tonton, …Godart et les deux frères Boust (ex Petits Chanteurs à la Croix de Bois) et une infirmière de «colo », Mademoiselle Mathilde Grémillet. Les répétitions se faisaient au-dessus de la classe, dans une salle-chapelle. Alors allait commencer pour moi, une des plus belles pages de ma vie. Je fus classé Alto, poste que j’occuperai jusqu’à 16 ans !…

Pour devenir Petit Chanteur, il fallait une aube. Celle-ci se gagnait ! Et une cérémonie spéciale de prise d’aube fut organisée à la fin de l’année 45 (13 décembre 1945), en présence du Cardinal Suhard, archevêque de Paris et de M. l’abbé Maillet, Directeur des Petits Chanteurs à la Croix de Bois. Notre croix était un losange sur lequel reposait le grill de St Laurent. Quelle fierté ! Je vais sur mes 80 ans, mais je conserve toujours mon aube et la croix. » 

Bernard évoque ensuite, un peu en vrac, les premières sorties du groupe, les voyages qui l’ont marqué. Il se souvient aussi de deux amis proches et fidèles de la Mané de Saint-Laurent : le Père Roger Guérin, curé de Pleurs en Champagne, maintenant décédé, et de Monseigneur Jehan Revert qui fut pendant de nombreuses années « Maître de Chapelle Emérite » de la célèbre Maîtrise de Notre Dame de Paris.  

« …Et la route manécantoriale va s’ouvrir … Premier petit voyage, en convoi, à Pleurs, village champenois qui avait pour pasteur l’abbé Roger Guérin. Sézanne, La Ferté Champenoise, Bouzy, Châlons-sur-Marne, Epernay, autant de villes et de villages où des chants à 4 voix comme …Trois Jeunes Tambours,… soulevaient le public !!! 

…Puis premier pèlerinage religieux : Lourdes. Pour certains d’entre nous c’était l’admiration car nous avions rarement quitté le 10 arrondissement. Notre Directeur, aidé par M. l’abbé Jehan Revert, nous guidait à la Basilique, à la grotte, au chemin de Croix, à la retraite aux flambeaux. En dehors des offices religieux, nous visitions les environs (Bétharam, le Pic du Jer) où l’abbé Revert nous montra ses capacités sportives : descendre du Pic afin d’arriver avant les cabines descendantes ! 

Premier concert à Saint-Laurent, le 10 août 1944. Puis ce sera les rassemblements à Saint-Roch, au Palais de Chaillot, à Rome, à la venue de la Reine d’Angleterre… Et pour moi le pèlerinage inoubliable : Jérusalem à Pâques 1973. Une petite parenthèse : je n’avais jamais pris l’avion. Une Caravelle. Je m’en souviens encore : Paris, Rome, Tel Aviv. Le retour par Istanbul où un problème de vaccination nous attendait. 

Jamais je n’oublierai ce qu’ont fait l’abbé et son état-major : M. Curel, M. Parasse, M. et Mme Pelleray, M. et Mme Drouet, M. et Mme Pous, M. et Mme Marro, par la suite Mme Fallay. Nous étions tous issus d’un milieu modeste, mais la Mané nous a montré un chemin vers la pure camaraderie.

Nos vacances scolaires étaient la période des tournées et des campements : Ploubazlanec ( Château de Kersa), près de Paimpol, avec le curé Serpette qui a toujours aimé la Mané. En Champagne, en Vendée (Plage des Demoiselles à St Jean de Monts, puis en Suisse au Mayens de Sion Avec Aldo et son accordéon. Une parenthèse pour nos amis de Sion où M. Joseph Baruchet, Struder et d’autres nous faisaient bénéficier du chaleureux accueil helvète. … Stresa sur le Lac Majeur…et j’en oublie.  

En Allemagne, l’abbé Zurfluh qui était Capitaine de Réserve, savait montrer son influence en tant que Troupe d’Occupation. Ainsi, quand il nous fallait un train pour nous déplacer, aussitôt les autorités allemandes nous mettaient à disposition une locomotive et 2 wagons… A Lochaü, Wasserburg, période digne de « colo » avec lever des couleurs le matin sous les ordres de Roger Tribouilloy, ancien de Villemomble qui devint par la suite Directeur des « Petits Ecoliers Chantant de Bondy ».  

Puis le métier que j’avais choisi me prit de plus en plus. Mais je n’oubliais pas la Mané et ses Anciens. … » 

Ainsi, tandis que la Mané poursuivait son chemin, Bernard, l’ayant quittée, créa avec Jean-Louis Marro une association libre, offerte aux Anciens, qui purent ainsi continuer à se retrouver régulièrement avec leurs épouses pour des rencontres amicales. Celles-ci jouirent d’un grand succès pendant de nombreuses années. Ce groupe est à l’origine de l’Association des Anciens Petits Chanteurs de Saint-Laurent, fondée en 1985 par Jean Escax, François Montagnier et Maurice Wolfelsperger, Association qui est la vôtre aujourd’hui. 

Quant à la Manécanterie,sa réputation et celle de son Directeur allaient grandissant. 

Dans son livre « Les Petits Chanteurs d’hier et d’aujourd’hui » (Chapitre 3. Une belle et harmonieuse famille), Monseigneur Fernand Maillet, Directeur des Petits Chanteurs à la Croix de Bois et Fondateur de la Fédération des Pueri Cantores, témoigne du rayonnement de la Manécanterie de Saint-Laurent .

«…Dès 1944, les Petits Chanteurs de Saint Laurent naissaient sous l’active et intelligente impulsion de Monsieur l’Abbé ZURFLUH, revenu récemment de captivité et qui reprenait sur ce terrain nouveau ce qu’il avait commencé à Villemomble avant guerre. »

En 1947, les Petits Chanteurs de Saint Laurent « pouvaient revendiquer la première place quant à la qualité vocale sur notre territoire parisien. … ». 
 

… L’Abbé ZURFLUH, qui est pour le Directeur de la Mané (Mère) un frère de combat très apprécié et très aimé, a établi avec les charmants Petits Chanteurs de Sion, en Suisse, la première de nos filiales helvétiques, et dont le talent s’est affirmé à Paris lors de nos deux Congrès de 1946 et 1947, une camaraderie qui est devenue pratiquement une amitié profonde. Saint Laurent reçoit Sion et Sion reçoit Saint Laurent … »

« …Ainsi un peu de cette magnifique fraternité que nous voudrions voir régner dans le monde commence à se réaliser. On chante d’une même voix et les cœurs d’un même rythme ».
Fernand Maillet 

Au fil des années, les voyages de vacances d’été (mi-colonie de vacances, mi-tournée de concerts) conduiront les PC de Saint-Laurent aux quatre coins de l’Europe :

La Belgique, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, la Suisse, la Suède, le Danemark, la Pologne, la Hollande, etc… sans oublier l’Espagne où nous fîmes la connaissance d’un musicien et compositeur hors pair : le Père SJ Ignacio Prieto, qui restera également un ami fidèle de notre chorale. 

Mais la tradition voulait que nous attachions beaucoup d’importance à quelques rendez-vous annuels : les messes de Noël, de la Sainte Cécile et de Pâques à Saint-Laurent, bien entendu, mais aussi à notre concert annuel à Paris. 

Pour l’occasion nous interprétions des œuvres particulièrement célèbres. C’est ainsi que, en 1954, pour le 10e anniversaire de la Mané, fut interprétée à Pleyel l’incomparable « Jehanne au Bûcher » d’Arthur Honegger, texte de Paul Claudel, avec Claude Nollier, Sociétaire de La Comédie Française. Ce concert fut sans conteste un des moments les plus mémorables de notre histoire.

Au début des années 70, l’abbé Zurfluh commença à confier de plus en plus fréquemment la direction du chœur à certains de ses chanteurs adultes, particulièrement Alain Cazade et Pierre Pous. Il resta Président et Directeur jusqu’en 1978, année pendant laquelle il s’accorda une période sabbatique.

A partir de là il passa le relais à ses anciens, tout en restant Président et s’assurant de la bonne marche de « sa Manécanterie » jusqu’à son dernier souffle. 

Ainsi se succédèrent au pupitre de chef de chœur : Alain Cazade, jusqu’en 1982, puis Bertrand Lemaire qui assura la relève jusqu’en 1987, Alain Chobert jusqu’en 1991, Emmanuel Marchand, Juliya Cognard et enfin Mayeul Charles.

Un Petit Chanteur des années 70/80, Michel Bresson, évoque aussi ses souvenirs pêlemêle, montrant une continuité parfaite de la tradition manécantoriale des PC de Saint-Laurent :

« Tournée de concert 71 : Mégève superbe défilé dans la ville, des PCSL en grognards de Napoléon, et lieu de la célèbre phrase : « Georgette un câble ! » lors de l’ascension du mont Joly avec les plus grands.

Tournée de concert 72 : Loire Atlantique et Bretagne profonde, que de souvenirs dans les Fest-Noz du coin après les concerts… et pour Christian Cheyroux, Alain Boes et moi un superbe voyage en Algérie et Tunisie avec PZ pendant le mois d’Août. Il adorait faire des voyages avec ses élèves comme il nous appelait.

Tournée 73 : Massif Central : Sarlat, je crois que le thème était les Jeux Olympiques. Je pense que le voyage en Israël a eu lieu cette année là, confirmé par ma Maman qui a fait également le voyage avec les accompagnateurs.

En 76, congrès de Londres, où nous avons traversé la moitié de la ville en aube avec 5 ou 6 chanteurs, car nous n’avions plus retrouvé le car, et tous les gens qui nous demandaient pour quelle cause nous manifestions !

Tournée de concert 81 : Ustaritz pays basque, ce fût la dernière tournée pour moi en tant que dirigeant des moyens-grands. Nous avions emporté une superbe sono, c’était la première fois que l’on passait le soir des musiques à la “mode”. Je crois que tous les adolescents de l’époque s’en souviennent encore.

Autre grand souvenir de cette époque pour moi, le congrès des Pueri Cantores à Paris en 1985 grosses animations dans Paris, concert tous les soirs pendant 3 ou 4 jours, accueil d’étrangers dans les familles, les parents n’étant pas là, l’appartement de la rue du Château d’Eau était une vrai auberge de jeunesse avec des arrivées et des départs en permanence, Didier Lucas nous apportant des croissants tous les matins après le travail…

Les 40 ans de la Mané en 84 avec le concert à St-Laurent et les extraits des opérettes d’Offenbach. Il doit y avoir un enregistrement correct de ce concert quelque part, car nous l’avions enregistré avec le matériel de Manu.

Après pour moi, habitant loin, j’adorais retrouver la Mané pour la messe de minuit. Cela a duré jusqu’à ce que mes parents quittent le quartier en 1998. »

La Manécanterie d’aujourd’hui est digne de ses prédécesseurs, poursuit sa mission dans la lignée de leurs traditions et n’a rien à leur envier en qualité musicale. Bien entendu, les effectifs du chœur ont eu des hauts et des bas et la vie actuelle, avec ses sollicitations nombreuses, font du recrutement une préoccupation quotidienne pour les dirigeants. Le Président actuel, Eric Montagnier, fils de François lui-même ancien Petit Chanteur, et Mayeul Charles, font un travail remarquable et méritent toute notre admiration et notre soutien.

Vous, grands et petits, qui lisez ces quelques lignes et qui aimez la musique, le chant choral, n’hésitez pas à tenter l’aventure…Rejoignez, ne serait-ce que pour « voir », la Manécanterie de Saint-Laurent. Vous ne pouvez pas être déçus car nous sommes en mesure de vous assurer par expérience que vous en retirerez, dans tous les domaines, bien plus que vous ne donnerez vous-même. Cette aventure sera passionnante, avec des amitiés